Suisse : La descente du Rhône

Après avoir embarqué mon acolyte Jerem dans notre nouveau (et prometteur) délire, le T5 est en route pour Martigny, d’où nous prenons la voie ferroviaire direction Fiesch. On ne se charge pas : sac à dos light, en style enduro, notre chemin parsemé de refuges nous économisant la peine d’emporter duvet et tente. Le premier trajet nous permet de conforter une idée forte en région helvétique : les infrastructures sont totalement dédiées à notre sport préféré, et ça fait plaisir ! Le revers de la médaille, c’est que le tarif du billet se trouve à la hauteur du service rendu… Mais c’est agréable de ne pas avoir à se soucier de comment récupérer la voiture quand on ne fait pas une boucle, mais qu’on part d’un point À vers un point B. De Fiesch, le téléphérique nous dépose à 2212 mètres d’altitude. 40 minutes de pédalage sur le Panoramaweg, en plein brouillard, et un tunnel plus tard, nous déposons nos affaires au fantastique Gletscherstübe Märjelen, un joli refuge bien dans son jus qui nous sert de spot pour la nuit. Une des particularités de notre périple est qu’en peu de kilomètres, nous allons être confrontés à la langue de Goethe et plus tard à celle de Molière. Pour l’instant, nous commandons un Apfelstrudel, ce que les descendants de Molière appellent un crumble aux pommes. Que l’aventure commence ! La visibilité moyenne en ce second jour de trip pourrait nous inviter à nous reposer au refuge, mais nous ne sommes pas venus uniquement nous goinfrer d’Apfelstr… bon, de crumble quoi ! Nous sommes là dans le but sacré d’explorer les environs. Direction la vallée de Bellwald, son ancien glacier et son single qui semble aussi périlleux qu’alléchant. C’est là que notre sacro-sainte mission est enfin récompensée, puis qu’au bout de dix petites minutes le soleil déchire enfin le ciel empli de nuages noirs. Privilégiés que nous sommes, savoir ou donner de la tête relève du challenge tant le panorama qui s’offre à nous est grandiose. La descente tient également ses promesses : elle est longue et très technique, flirtant avec les abîmes du vieux glacier que nous longeons, avant de s’arrêter à un petit refuge accessible en mode via ferrata. Bien élevés que nous sommes, nous allons dire bonjour. L’endroit, qui sent bon l’alpinisme, les gâteaux faits maison et la passion des sommets vaut le détour, tout comme Franz, le maître des lieux. Cet homme, qui semble avoir tout connu, est quelque peu étonné de nous voir ici, sur nos destriers. Comme quoi, on n’est jamais à l’abri d’une surprise… La nuit au Gletscherstübe est courte mais de toute beauté, après avoir échangé avec nos voisins de repas sur la montagne et ses mythes. L’avenir (et les levers de soleil) appartient à ceux qui se lèvent tôt dit on. Ni une ni deux, nous mettons l’adage à l’épreuve et nous levons vaillamment à quatre heures du mat’. Il faut bien ça pour attaquer l’ascension qui nous attend, et espérer admirer le soleil se levant sur le glacier d’Aletsch, plus grand glacier d’Europe, surplombé par l’incroyable Eiger et la Jungfrau. Arrivés sur une crête interminable, nous côtoyons les chamois sous un épais brouillard. Raté pour le lever de soleil apparement… Le temps de manger une pomme et d’enfiler des habits secs, la magie opère une seconde fois, laissant la réputation du fameux adage intacte : entre deux strates de nuages très sombres, les premiers rayons apparaissent. Majestueux. Épique. Indescriptible. Ce glacier aux dimensions déraisonnables nous donne l’impression de vouloir nous avaler en une seule bouchée. La descente qui s’en suit sera pour notre part l’une des plus belles jamais faites sur un VTT, et pourtant nous en avons vu quelques unes. Bonjour flow, fun, nose turns et mouvements de terrains tout droit sortis d’une PS4. Arrivés à Brigue, le train puis le bus nous déposent à Arolla, petite station de ski renommée pour son glacier et ses pentes saupoudrées de poudreuse légère qui crient : « skie-moi, skie-moi ! ». La Cabane des Dix, le joyau de la couRhône L’hôtel de la Tsa, dominé par l’unique aiguille du même nom, nous abrite pour la nuit. Ce soir c’est un peu gala, nous avons rendez-vous avec Dédé, guide local et accessoirement légende du freeski. Calme et plutôt taquin, l’homme a tout connu et a vu passer une multitude de freeriders en herbe. Bien que plusieurs personnes nous aient fortement déconseillé de mettre en œuvre notre plan du lendemain, lui, tranquille, ricane. Il a totalement confiance en nous et est certain qu’on va y arriver, facile. C’est rassurant, avant l’étape reine qui nous attend : sur les hauteurs d’Arolla, nous comptons emprunter le célèbre pas de chèvre (2946 mètres) et sa minuscule échelle dédiée aux montagnards initiés, avant de traverser l’immense glacier des Dix pour rejoindre la Cabane du même nom, quelque 1000 mètres plus haut que notre point de départ (soit 3000 mètres). Joli menu. Crampons, cordes et sangles cohabitent avec le minimum vital sur notre dos. Au soleil levant, au moment de nous quitter, je vois Dédé rire : « Je sais que vous êtes super forts, mais c’est un sacré défi quand même » nous lâche t-il. Voilà pour le capital confiance ! Merci pour la préparation mentale, on y va. Et effectivement, le pas de chèvre s’avère vraiment difficile, mais après quatre heures d’évolution sur la glace vive, nous voici à la cabane des Dix. Défi relevé, on n’est pas peu fier ! Et ce n’est pas terminé, puisqu’à partir de maintenant, une descente en single de près de 2500 mètres de dénivelé négatif nous attend pour rejoindre Sierre. Du lourd, du très lourd même ! Il n’en reste pas moins que tout ce périple est un moment qui semble retiré du temps, inoubliable, où l’on se retrouve seuls, juste nous et nos bikes. Retour à la civilisation De Sierre, nous rejoignons Nendaz. Du sommet du plus haut télécabine au milieu des restes de glacier, nous admirons le bec des Rosses avant de basculer vers la cabane Mont Fort (sur les hauteurs de Verbier), notre point de chute pour la nuit. L’humour suisse me dépassera toujours (et pourtant mon grand-père avait des origines du côté de Luzern…) : ce qu’ils appellent une cabane s’apparente plus à un chalet de montagne quatre étoiles chez nous ! Le couchage confortable, le repas excellent côtoie de non moins savoureuses bières. Le temps de déchiffrer la carte à deux Américains qui suivent le parcours du trail des glaciers, eux nous expliquent à quel point ils détestent les français, nous pensant Suisses. Pas de chance, mauvaise pioche ! Nous levons le voile sur nos origines… « Milles excuses nous dit l’un deux, je crois que nous avons trouvé ici une bonne raison de commander une bouteille de pinot noir et de manger ensemble ! ». Eh ben voilà, on oublie tout ! La soirée est mémorable, les anecdotes fusant de part et d’autre. J’adore cette ambiance montagne, brut de pomme, franche, dénudée de tout travestissement. Les relations n’en sortent que grandies dans bien des cas. Après un lever de soleil magnifique, le lendemain nous réserve une belle partie de manivelles pour rejoindre l’envers de Verbier, sur un single qui n’a probablement aucun secret pour Ludo May, le fantasque pilote local. La descente est longue, bien rythmée, le tout dans un décor est grandiose, singulier par sa diversité de couleurs. Après une dernière remontée en benne, et 400 mètres de dénivelé positif, vélo sur le dos, nous entamons notre ultime descente pour rejoindre Martigny. Ambiance DH, elle est bien raide, longue et digne d’une bonne IXS Cup de DH par moments, nous laissant un arrière goût très agréable en bouche. Le dernier jour est destiné à rouler sur les hauteurs du lac, mais la tempête s’en mêle. Nous ne sommes pas en sucre, certes, mais dans ces conditions il n’y a aucun intérêt à sortir. Mieux vaut aller s’enfiler un petit crumble non ? Cette dernière session avortée côté lac nous donne une excuse en béton pour retourner un jour achever cet incroyable périple. A quelques encablures de la maison, avoir l’opportunité d’arpenter des spots aussi grandioses est une chance que chacun aimerait avoir. nous en avons bien profité, et nous vous conseillons d’en faire autant ! Texte : Fred HornyPhotos : Jérémy Bernard

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